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Non, la Roumanie n’a aucune revendication territoriale envers l’Ukraine

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Non, la Roumanie n’a aucune revendication territoriale envers l’Ukraine

Plusieurs personnalités ont déclaré que la Roumanie souhaiterait récupérer des territoires historiques qui appartiennent aujourd’hui à l’Ukraine. D’après nos vérifications, c’est faux.

Contexte

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la thèse selon laquelle la Roumanie entend annexer ses territoires historiques qui font actuellement partie de l’Ukraine est périodiquement réitérée sur les réseaux sociaux et dans les médias. Les commentaires sont alimentés par les déclarations du vice-président russe Dmitri Medvedev, répétées à plusieurs reprises. Le 27 juillet 2022, il publie ainsi sur Telegram une carte imaginaire dans laquelle l’Ukraine est divisée entre des États voisins, dont la Roumanie.

Le 25 avril 2023, Dmitri Medvedev déclare lors d’une conférence tenue à Moscou : « La Pologne, oui, avouons-le, et la Hongrie et la Roumanie rêvent depuis plus d’une décennie de s’emparer des régions occidentales de l’Ukraine. »

Le président Vladimir Poutine reprend cette théorie dans son discours de la Journée de l’unité nationale le 4 novembre 2022, lorsqu’il déclare qu’il existe l’idée de « restituer les territoires qui ont été pris à la Pologne par Staline après la Seconde Guerre mondiale » et précise : « De vastes zones, de vastes zones (ont été prises) de Roumanie et de Hongrie ».

Aussi, plus récemment, dans l’entretien accordé au journaliste américain Tucker Carlson le 6 février 2024, le président Vladimir Poutine a déclaré que : « Après la Seconde Guerre mondiale, l’Ukraine a reçu, en plus des territoires qui appartenaient à la Pologne avant la guerre, une partie des territoires qu’ils appartenaient auparavant à la Hongrie et à la Roumanie. Ainsi, la Roumanie et la Hongrie ont perdu une partie de leurs territoires, qui ont été cédés à l’Ukraine soviétique, et elles font toujours partie de l’Ukraine ».

L’une des déclarations les plus marquantes faites dans l’espace public roumain selon laquelle l’Ukraine devrait céder des territoires à la Roumanie appartient à l’intellectuel roumain Andrei Marga, ancien ministre de l’Éducation nationale entre 1997 et 2000, ancien ministre des Affaires étrangères de mai à août 2012, ancien président de l’Institut Culturel Roumain 2012-2013, recteur de l’Université Babeș-Bolyai de Cluj, lauréat du prix Herder en 2005. Il a soutenu lors d’une conférence tenue le 16 septembre 2022 à Alba Iulia :

Soit en français : « L’Ukraine doit céder des territoires: Transcarpatie à la Hongrie, Galicie à la Pologne, la Bucovine à la Roumanie et le Donbass et la Crimée à la Russie. Ce sont les territoires d’autres pays. On a des crampes, c’est tout ! Il y aura un conflit. Soyons très clairs: tant que la situation ne sera pas résolue par une discussion avec l’Amérique, la Russie, l’Allemagne, l’Ukraine et la Chine et qu’un accord ne sera pas trouvé, il n’y aura pas de paix en Europe. Sans paix, la démocratie en souffrira. »

Le ministère des Affaires étrangères a réagi par un communiqué de presse du 18 septembre 2022, expliquant que les déclarations de l’ancien diplomate sont en contradiction avec la position officielle de la Roumanie sur l’agression contre l’Ukraine et l’accusant de propager des récits de propagande russe. Ce communiqué précise : « Ces déclarations sont en contradiction flagrante avec la position officielle de la Roumanie à l’égard de l’agression illégale, injustifiée et non provoquée de la Russie contre l’Ukraine, ainsi qu’avec les principes fondamentaux du droit international qui régissent aujourd’hui les relations internationales. »

Vérification

Des dirigeants politiques ont également pris position sur ce sujet. Ainsi, la sénatrice Diana Ivanovici Șoșoacă, affiliée au parti SOS Roumanie, a demandé à l’État roumain d’annexer les territoires qui lui appartenaient pendant l’entre-deux-guerres et qui font actuellement partie de l’État voisin. Elle a déposé en mars 2023 un projet de loi exigeant la dénonciation du traité de bon voisinage avec l’Ukraine de 1997 et l’annexion des régions qui appartenaient à la Roumanie : la Bucovine du Nord, Herța, Bugeacul, le Maramureș historique et l’île de Serpilor.

Le projet est rejeté quelques mois plus tard, tant par la Chambre des députés que par le Sénat, les parlementaires soulignant que l’annexion de certains territoires constitue une violation du droit international et contrevient de manière flagrante aux obligations assumées par la Roumanie à travers l’ Acte final d’Helsinki de 1975le Traité sur les relations de bon voisinage entre la Roumanie et l’Ukraine de 1997 et le Traité sur le régime de la frontière nationale roumano-ukrainienne de 2003 .

Un autre élu, le sénateur de l’AUR Claudiu Târziu, a déclaré dans un discours prononcé le 24 novembre à Iași que la souveraineté de la Roumanie exige « la réunification de l’État à l’intérieur de ses frontières naturelles ».

Le ministère roumain des Affaires étrangères a apporté à plusieurs reprises des précisions pour réaffirmer les réalités stipulées par les traités internationaux et bilatéraux mentionnés ci-dessus. Ces réactions ont également suivi les déclarations du vice-président russe Medvedev et du président Poutine. Ainsi, dans un communiqué daté du 27 juillet 2022, le ministère des Affaires étrangères déclare : « Le MAE rejette fermement la démarche du vice-président du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie, Dmitri Medvedev, qui a publié sur un réseau social une carte qui attribue de manière fantaisiste des territoires à l’Ukraine, à la Roumanie et à d’autres États voisins ».

Le ministère des Affaires étrangères apporte également des précisions sur les déclarations du vice-président Dmitri Medvedev : « Les déclarations de Dmitri Medvedev, à la suite de la décision historique du Conseil européen des 23 et 24 juin concernant l’octroi du statut d’État candidat à l’UE à la République de Moldavie et à l’Ukraine, font partie de la fausse rhétorique du Kremlin, à laquelle nous sommes déjà habitués, propagée en République de Moldavie avant et après l’agression illégale, injustifiée et non provoquée de la Russie contre l’Ukraine ».

Et concernant les déclarations du Président Poutine, le ministère des Affaires étrangères de la Roumanie a déclaré : « Le ministère des Affaires étrangères de la Roumanie rejette les affirmations exprimées par le président de la Fédération de Russie dans le discours prononcé à l’occasion de la Journée de l’unité nationale, qui induisent faussement la l’idée que la Roumanie a des revendications territoriales contre l’Ukraine. »

En lien avec les dernières déclarations du président Vladimir Poutine, le Premier ministre, Marcel Ciolacu, a rappelé que la Roumanie, comme tous les pays qui ont adhéré à l’Union européenne, a conclu des accords par lesquels elle s’engage à respecter la souveraineté des pays voisins et à reconnaître les frontières établies :

Soit en français : « Ni vous ni moi n’influencerons jamais l’histoire. Je comprends la manipulation du dictateur Vladimir Poutine. Lorsque la Roumanie a rejoint l’Union Européenne, elle a conclu des accords, car elle était obligée, comme tous les pays membres de l’Union européenne, de conclure des accords concernant la souveraineté territoriale et les frontières de chaque État. »

Conclusion

L’affirmation selon laquelle la Roumanie poursuivrait la récupération des territoires historiques qui appartiennent aujourd’hui à l’Ukraine représente une fausse réalité, qui ne correspond ni aux processus historiques européens des 30 dernières années, ni aux engagements communs entre les deux États. L’affirmation est donc fausse.

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